Annie-Soleil Proteau publie un texte bouleversant pour rendre hommage à un ami qui s'est enlevé la vie
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Jeudi dernier marquait la Journée mondiale de prévention du suicide. Nous avons tous dans notre entourage connu quelqu'un qui a décidé volontairement de s'enlever la vie. Quel est ce mal insidieux qui se glisse dans la vie d'une personne à tel point qu'elle n'a plus d'espoir?
Annie-Soleil Proteau a vécu la mort d'un proche, un ami d'enfance.
Pour lui rendre hommage et pour souligner la Journée mondiale de la prévention du suicide, la chroniqueuse de Salut Bonjour a publié un texte bouleversant, avec l'accord de la mère de son ami décédé.
Un texte touchant qui pourrait peut-être faire une différence dans la vie d'un coeur désespéré.
Voici ce qu'elle a écrit :
« Christian. C’était son nom.
J’ai écrit le texte qui suit avec l’accord de sa mère, ma belle Lise, il y a un moment déjà. Aujourd’hui, c’est la Journée mondiale de la prévention du suicide, et c’est important qu’on se souvienne de lui. Pour éviter à d’autres de se briser comme lui.
15h15, la cloche sonne. J’ai 6 ans et je t’aime. La pluie est si agressive, je te demande si tu veux faire un tour dans la Firebird jaune poussin de mon père. Je sais que tu la trouves belle. Tu me dis oui ; je souris comme si j’étais à Disney World.
- P’pa, est-ce qu’on peut aller reconduire Christian chez lui ?
Je m’assois derrière avec toi, en espérant très fort que tu vas me prendre la main.
Des années plus tard, on est encore allés te reconduire. Mais cette fois, on ne voulait pas, Christian, on ne voulait tellement pas.
Ce soir, on est plusieurs ti-culs d’Hochelaga à avoir le cœur en miettes, après t’avoir reconduit dans un coin du ciel. Ce soir, c’étaient tes funérailles.
Tu as toujours été le beau gars de l’école, le sportif, le clown. On se battait toutes pour toi. Te souviens-tu de notre mariage en pré-maternelle ? Tu étais mon premier petit chum. Quand j’ai voulu te donner un bec, toi, ça ne te tentait pas, et tu as fait rire tout le monde !
Pourtant, ces dernières années, ta souffrance a eu le dessus sur tes éclats de rire. Tout le monde t’aimait. Sauf toi.
Un jour, je promenais mon chien au Parc Lalancette. Le parc de notre enfance, où même les professionnels voyaient en toi un futur joueur des Expos, ou du Canadien. Je n’exagère pas. Tu avais un talent exceptionnel. Mais ce jour-là, je t’ai vu faire ce que je n’aurais jamais imaginé. Tu quêtais.
L’alcool est entré dans ta vie sur la pointe des pieds, quand tu étais ado. Une bière dans un party, juste pour faire rire tes amis.
Puis ç’a été deux bières. Puis quinze. Puis la dope, la maudite dope. Tu n’arrivais pas à parler de ton mal de vivre, tu te repliais jusqu’à t’écraser. Ta mère ne pouvait pas voir le carnage qui se préparait : elle s’occupait de ta grand-mère malade, et évidemment, quand tu te défonçais, ce n’était jamais devant elle.
Le sais-tu Christian, à quel point tu manques à ta mère ? C’est vrai qu’elle n’en pouvait plus de te voir comme ça, son enfant si sensible, déchiré dans l’ouragan d’une dépression jamais soignée. Parfois, vous étiez tous les deux au centre d’un ring, à combattre pour ta survie. Et pour la sienne, aussi.
Ta mère a dû apprendre à aimer un tout autre Christian. Un Christian qui lui faisait peur, quand il avait bu. Mais un fils reste un fils, dans le cœur d’une maman, quelles que soient ses tragédies.
Jamais elle n’oubliera son petit garçon souriant, son trésor. Celui qui était là jour et nuit à l’hôpital, quand elle se battait contre le cancer.
Tu manques aussi à ton père et à ta sœur, qui ont le cœur troué à jamais par ta mort. Tu manques à tes amis. Ils n’ont pas tous accepté ce que tu étais devenu. Tu ne pouvais pas leur en vouloir, tu le savais que tu n’étais plus toi-même.
Une semaine avant ta mort, tu as appelé ton grand-père. Tu voulais aller vivre chez lui, en Gaspésie. Là où on ne voit pas de l’autre côté de la mer infinie.
Ton grand-père savait, lui, que les grands vents gaspésiens avaient beau être majestueux, ils ne seraient pas suffisants pour briser tes chaînes. Il t’a offert de te payer une cure, celle de ton choix. Mais ton choix, ç’a été de mourir.
Tu feras bientôt ta dernière ride. Ta mère emportera ce qui reste de toi dans ta belle Gaspésie. Sur la route, ton rap vibrera. Elle écoutera ta chanson, à tue-tête, et à tue-cœur.
En somme, je suis l'homme de la pluie, l'enfant du beau temps
Mais le temps fuit et m'entraîne avec lui dans l'oubli
Qu'importe le pourquoi, le vent m'emporte à petits pas
Ce n’est pas le vent qui t’a emporté. C’est toi qui as choisi de partir. Ce qui a été emporté, c’est une immense partie de ceux qui t’aimaient. En te tuant, tu les as tués un peu, eux aussi. Pourtant Christian, tous continuent de t’aimer, profondément et pour toujours.
La vie est rough parfois, mais si vous sentez que vous perdez pied, que ça dérape, parlez. Il y a toujours quelqu’un, quelque part, qui est là.
Et Christian, je te l’envoie dans ton ciel, le bec que tu ne voulais pas en maternelle.
Annie X »
Si vous vivez des moments difficiles et que vous n’avez plus d’espoir, il est possible d’avoir de l’aide.
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Source : Instagram
Crédit photo : Instagram
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